"Gouter le Monde avec lenteur, passion et générosité "

Mes souvenirs d’enfance, moi fils de chef de culture de grands crus du Médoc dans les années 70-80, me laissent toujours l’image d’une nature bio, avec un environnement non pollué, où les anciens respectaient les cycles de la lune. J’ai encore les embruns de l’estuaire de la gironde lors des pêches traditionnelles avec mon père où dans ses yeux je pouvais lire le mot : Amour.

 Dans toute ma carrière viti-vinicole de 40 ans d’expérience et de savoir-faire tant dans la partie vigneronne & vinification, commerciale, qu'en dégustation des vins et spiritueux du monde entier ; j’arrive à la conclusion que seuls les vins vivants me ramènent à ma madeleine de Proust.

 Je perçois dans ces bouteilles, le soleil de mon enfance, les arômes des cerises et des pêches de vigne que je cueillais dans le jardin de ma grand-mère, ceux des plantes et des herbes en bordure des chemins quand je prenais mon vélo pour aller à l’école à Saint-Yzans-de-Médoc.

 En balade dans le blayais pendant l’évènement annuel « Blaye en état d’art », je suis partie à la découverte de différents vignerons, tous en biodynamie.

 La route des vins du blayais s’accompagne du constat des vignes arrachées, laissées à l’abandon, avec des cimetières de montagnes de ceps. Cela me rend triste et me met en colère. Car bon nombre de vignerons n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Comment dans cette belle région de Bordeaux les autorités viticoles ne se sont-elles pas alarmées plus tôt. Combien de vignerons vont tomber ???

 Un soir chez des amis de ma chère et tendre, on me parle de la famille Martin du château Roland de la Garde.

 Le lendemain, je décide d’aller visiter ce cru, de faire une dégustation de ses vins.

 En arrivant au domaine, Monsieur Martin nous accueille avec un large sourire et une grande simplicité.

 Nous pénétrons dans son caveau, et là nous découvrons l’humaniste et l’humilité d’une belle personne qui est totalement respectueux de son environnement.

 Il fait partie, pour moi, des locomotives auxquels des wagons devraient se raccrocher.

 En premier lieu, il a associé son fils au vignoble, ils travaillent main dans la main. La succession est déjà assurée et surtout de son vivant, le tout en pure intelligence où chacun a sa place. C’est un travail collectif, nous assure t’il.

 *la biodynamie chez la famille Martin :

 La vigne : Pratique de la biodynamie toute l’année (Préparations dynamisées, calendrier lunaire, aucun pesticides…) – Travail des sols léger – enherbement 1 rang sur 2 – Taille Guyot Double

En vinification : Fermentation naturelle spontanée avec levures indigènes en amphore de 750L – Élevage en amphore – Sulfites réduits au minimum – Pas de collage.

Il m’explique que quand on est dans cette philosophie il y a des années de vaches maigres et d’autres plus abondantes selon les aléas climatiques. Ce qui fait l’authenticité d’un vin c’est son millésime, le vigneron est juste là pour l’accompagner dans sa vinification.

 Il parle d’acheter une parcelle isolée, avec un terroir superbe. Il pense planter aussi avec le réchauffement climatique d’autres cépages hors AOP quitte à être vin de France sur certaines de ses cuvées. Ce qui est déjà le cas avec son vin orange.

 En matière de commerce aussi, il y a longtemps qu’il a diversifié ses marchés. Ne pas garder les œufs dans le même panier. Il est même présent sur le marché japonais.

 Investir dans le futur et se projeter, c’est la devise de Bruno & Guillaume Martin.

 Quand on goûte sa gamme de vins, tous élevés en amphore, on goute l’excellence du vivant avec un rapport qualité prix exceptionnel.

 De retour à la maison j’ai dégusté son vin orange et son blanc sec :

 LE VIN ORANGE DU CHATEAU SAINTE-LUCE BELLEVUE VIN DE FRANCE (80% sauvignon et 20% muscadelle).

Je l’ai associé comme un vin jaune du Jura avec du conté et des noix. L’accord ma émerveillé, enchanté. La bouche est ronde, avec des tanins présents et suaves. Les saveurs de noyau de reine-claude, de zest d’agrumes (souvenir des gâteaux de ma mère) m’envahissent le palais avec une fraicheur persistante, les essences de l’enfance m’enivrent.

 LE BLANC SEC CHÂTEAU SAINTE-LUCE BELLEVUE – AOP BLAYES CÔTES DE BORDEAUX 2021 (80% sauvignon et 20% muscadelle).

 Même encépagement que le vin orange mais avec une macération beaucoup plus courte :  macération Pelliculaire de 11 jours contre 9 mois pour le vin orange. Élevage de 11 mois en amphore Tava de 750 Litres pendant 12 mois.

 L’accord a été fait avec des moules natures juste cuites à la vapeur dans le vitaliseur de Marion, accompagnées de frites de pommes de terre nouvelles avec une première cuisson à la vapeur pour garder le moelleux et juste dorées à la poêle dans de l’huile d’olive pour le croquant (recette de ma chérie).

 Une fois mets et vin en bouche, j’assiste à une explosion de saveurs, je me vois sur le port de Loudenne avec mon père en face de moi. Comment vous décrire cette expérience si ce n’est par un seul mot : VIVANT ! 

 « Goûter le monde avec lenteur, passion et générosité »

  Jean-Benoît DUPOUY - Le Troubadour Epicurien ®